L’implication du laboratoire et la prise en charge de l’insuffisance rénale aiguë
L’insuffisance rénale aiguë (IRA) se caractérise par un déclin rapide de la fonction rénale qui peut se développer entre quelques heures et quelques jours [1]. Celle-ci peut se produire de façon fonctionnelle (prérénale) via une hypovolémie ou une hypoperfusion rénale (syndrome cardiorénal ou hépatorénal), de façon obstructive (post-rénal) ou encore suivant des dommages structurels intra-rénaux (dommages tubulaires, glomérulaires ou vasculaires) [2]. La combinaison du tableau clinique du patient, des analyses biomédicales et d’outils d’imagerie rénale guide le diagnostic par le clinicien et lui permet d’adapter le traitement selon la sévérité et l’étiologie de l’IRA. Un délai ou une mauvaise évaluation initiale peut alors entraîner des conséquences graves – développement de morbidités ou mortalité – chez les patients [1,2]. Toutefois, les biomarqueurs sanguins couramment utilisés tels que la créatinine ou l’urée servent surtout à déterminer la présence et la sévérité d’une IRA, alors que la biochimie urinaire (i.e. sodium, albumine, protéine totale, fraction d’excrétion du sodium) comporte d’importantes limitations cliniques réduisant sa pertinence aux atteintes fonctionnelles (prérénales). L’identification de dommages structurels (intra-rénaux) repose généralement sur une myriade d’analyses complémentaires, allant de la microscopie urinaire à la biopsie rénale. Il va sans dire que certaines de ces investigations plus invasives et coûteuses ne sont pas sans risque et sont limitées à des situations exceptionnelles. L’évaluation étiologique et pronostique d’une IRA classique peut alors s’avérer un vrai casse-tête pour le clinicien lorsque le cas du patient est multimorbide, ce qui est assez courant chez les patients hospitalisés à risque de développer une IRA [1].
Au niveau des analyses biomédicales, l’IRA se définit par une élévation de la créatinine – métabolite musculaire de la créatine – de plus de 50% en 7 jours ou de 26.5 mol/L en 48 heures [2,3]. En effet, la clairance de la créatinine, soit la filtration glomérulaire, devient compromise résultant en cette élévation sérique de créatinine. Les critères KDIGO (Kidney Disease : Improving Global Outcomes) servent ensuite à déterminer la sévérité de cette atteinte [3]. Ces stades se divisent en trois niveaux allant d’un état léger (Stade 1) à sévère (Stade 3) qui peut inclure le besoin d’instaurer une thérapie de remplacement rénal (Stade 3d). La prise en charge de l’IRA, incluant le besoin d’une intervention d’urgence tel que la dialyse, la réplétion volémique agressive et des traitements de support, doit donc être adapté au stade et à l’étiologie de celle-ci afin d’optimiser les soins au patient et viser une reprise rapide de la fonction rénale [1,3].
Plusieurs analyses biomédicales sont nécessaires au clinicien pour obtenir un portrait global et juste pour diagnostiquer et suivre l’évolution des épisodes d’IRA, mais malgré ces limitations intrinsèques, la créatinine reste l’analyse pivot de suivi de la fonction rénale. En effet, ces restrictions incluent l’interaction par la diète et de certains médicaments pouvant altérer la sécrétion tubulaire (i.e. trimetroprim, cimetidine) ou encore sa production (i.e. âge, rhabdomyolyse, sarcopénie, amputation) [1]. Il est à noter que, suivant une atteinte rénale (e.g. chirurgie majeure), l’élévation de la créatinine sérique à un niveau compatible avec un diagnostic d’IRA se produit environ 48 heures suivant le dommage [2,3], restreignant sa sensibilité et sa spécificité dans le diagnostic de l’IRA, en plus de n’être d’aucune aide en ce qui a trait à l’évaluation étiologique.