Outre le fait qu’il n’y a pas d’association entre une diminution de la Lp(a) et une amélioration du risque de développer une MCV, cette vésicule présente des défis analytiques majeurs en laboratoire. En effet, ces défis sont causés par la grande variation des isoformes d’Apo(a) que l’on trouve chez les individus. Comme indiqué précédemment, ces isoformes peuvent posséder d’un seul domaine KIV-2 à plus d’une quarantaine, ce qui fait que l’Apo(a) peut être constituée jusqu’à 70 % de ce domaine (43). Par conséquent, lorsqu’un anticorps polyclonal cible la région KIV-2, il peut reconnaître une molécule d’Apo(a) plus d’une fois, ce qui modifie radicalement le résultat. Par exemple, une personne ayant une isoforme d’Apo(a) avec peu de domaines KIV-2 peut avoir des concentrations sous-estimées, alors qu’une personne ayant une isoforme avec beaucoup de domaines KIV-2 peut avoir des résultats surestimés (voir figure 4) (44). En raison de la présence de ces isoformes et de tous les différents types d’immunodosage actuellement sur le marché, la variation entre les méthodes peut atteindre un facteur 2, avec des CV inter-méthodes de 16 % à 32 % (45).

Figure 4 : Différences analytiques entre une isoforme d’Apo(a) avec peu de domaines KIV-2 et une isoforme d’Apo(a) avec beaucoup de domaines KIV-2. Cette illustration a été créée par Auclair, N avec Biorender.com et s’inspire de Kronenberg, 2022 (44).
Il ne faut pas oublier l’importance d’avoir le bon calibrateur. S’il vise un seul domaine, il n’y a pas de problème, mais s’il vise le domaine répétitif KIV-2, cela peut altérer le résultat. En effet, si un seul type de calibrateur est utilisé, par exemple un calibrateur avec 30 KIV-2, il peut sous-estimer les résultats des individus avec de petites isoformes par rapport à un calibrateur avec 21 KIV-2 (44). Par conséquent, la plupart des fournisseurs utilisent maintenant des calibrateurs avec différentes isoformes d’Apo(a). De plus, la dilution d’un échantillon trop concentré peut affecter le résultat, puisque l’échantillon, après dilution, aura tendance à correspondre au calibrateur avec de nombreux domaines, alors que le patient possède de petites isoformes. En fait, des correspondances sont établies entre les concentrations de Lp(a) dans les échantillons et le type de calibrateur puisque les échantillons avec des concentrations élevées sont susceptibles d’avoir des isoformes avec peu de domaines KIV-2, alors que les échantillons avec des concentrations faibles sont plutôt caractérisés par des isoformes avec beaucoup de domaines KIV-2 (44).
L’utilisation de la bonne unité de mesure pour la Lp(a) est un sujet qu’il faut absolument mentionner. Dans le bilan lipidique, la plupart des mesures sont en mg/dL, mais pour la Lp(a), dont les anticorps ne ciblent que l’Apo(a), l’utilisation de cette mesure peut entraîner des erreurs car sa masse varie d’une personne à l’autre. Il est donc préférable de donner la mesure en nmol/L. De plus, si l’on ne connaît pas les isoformes présentes chez un patient, il n’est pas correct de convertir les résultats de nmol/L en mg/dL ou vice versa, car les facteurs de conversion changent d’une isoforme à l’autre. Ce type de conversion doit donc être abandonné (46).
Actuellement, la majorité des tests à haut débit utilisent l’immunoturbidimétrie ou l’immunonéphélémétrie et ont de bonnes reproductibilités, mais utilisent des anticorps polyclonaux qui reconnaissent les domaines KIV-2 (46). Il n’existe actuellement aucun test sur le marché insensible aux isoformes de l’Apo(a), et le test le plus proche est un test japonais Denka-Seiken utilisant 5 calibrateurs différents indépendants les uns des autres, avec différents isoformes de l’Apo(a), traçable en nmol/L (47). Par conséquent, de nombreux types de tests insensibles aux isoformes de l’Apo(a), tels que les tests ELISA basés sur des systèmes de mesure de référence, les tests ciblant l’ApoB-100 ou les analyses LC-MS/MS, sont actuellement en cours de développement (48).