Ces limitations ont poussé des équipes à développer de nouvelles méthodes de séquençage qui ont été désignées de 3e génération. Mais tout d’abord, qu’est-ce que le séquençage de 3e génération? Ce sont des méthodes qui permettent de générer de longues séquences et dont la détection se fait en temps réel 17,19. Cette technique permet de séquencer des molécules uniques sans avoir recours aux étapes d’amplification par PCR requises par les techniques actuelles : on évite donc les biais dus à l’amplification.
Il existe actuellement deux technologies différentes sur le marché. L’une d’elles, la plus innovante, se nomme « Nanopore » et consiste en un pore membranaire protéique sur lequel se fixe une seconde protéine permettant de guider l’ADN à séquencer à travers le pore tout en déroulant la double hélice (activité hélicase). Au sein du pore, un flot d’ions génère un courant électrique et lorsqu’un nucléotide le traverse, il affecte le courant électrique et le changement généré est spécifique à chaque nucléotide. Un détecteur permet donc de mesurer la variation du courant et d’identifier les nucléotides un par un. Étant donné qu’un nucléotide modifié affectera le courant différemment, il est possible d’étudier directement les modifications de l’ADN et de l’ARN (méthylation des adénosines, des cytosines, détection du BrDU, modifications épigénétiques de l’ARN).
Le plus petit appareil offert par Oxford Nanopore Technologies, nommé « MinIon », est d’une taille comparable à celle d’une clé USB et peut être branché dans un port USB, offrant une flexibilité d’usage sans précédent quant à son utilisation 19. Son coût de base de 1000$ le rend aussi très accessible financièrement. La plus longue molécule séquencée avec le Nanopore à ce jour contenait plus de deux millions de paires de bases! 21
Le talon d’Achille de cette technologie réside dans son taux d’erreurs élevé, entre 5 et 20% actuellement 19. Cette variation est causée par le type de molécule analysé et la préparation des échantillons. Les erreurs sont de type systématique et consistent principalement en des insertions et des délétions 19. Leur correction requiert donc de générer de courtes séquences additionnelles. Le développement rapide d’outils bio-informatiques et l’optimisation des protocoles de préparation d’échantillons permettent également de diminuer les taux d’erreurs.
La seconde technologie, nommée SMRT, est basée sur le séquençage de molécules uniques dans une plaque contenant de minuscules puits qui possèdent chacun une seule polymérase y étant fixée. Les molécules d’ADN sont circularisées et l’ajout d’un nucléotide fluorescent à la fois est détecté via le fond de chaque puits. Cette technologie permet aussi de détecter les bases modifiées de l’ADN car le temps d’incorporation du nucléotide est alors différent.
La gamme complète de possibilités offertes par ces techniques de 3e génération, basées sur un concept assez simple, est vertigineuse. Tout d’abord, il n’y a pas de limite à la longueur de la séquence possible pour le nanopore, à part la taille de la molécule elle-même. Cela simplifie grandement l’alignement de séquences nécessaire à l’assemblage d’un génome traditionnel 19,20. Avec les techniques actuelles, il est difficile de séquencer des régions répétées. Le séquençage de 3e génération facilite non seulement l’analyse de ces régions mais il rend aussi possible l’étude d’isoformes complets et la détection de larges réarrangements 19,20. Le séquençage de génomes humains complets a été réalisé par les deux technologies actuelles (SMRT et Nanopore) de troisième génération 22,23. Leur obtention a d’ailleurs permis de combler certaines séquences manquantes des génomes actuels et de déterminer le nombre de répétitions des télomères 22,23. Le séquençage direct de l’ARN est aussi devenu possible grâce à la méthode du Nanopore, ce qui évite les étapes de PCR dans la préparation des échantillons et permet d’obtenir de plus longues séquences 24. En bref, cette nouvelle technologie révolutionne plusieurs aspects du séquençage en permettant l’impossible. Certains entrevoient même l’adaptation de la technique afin de permettre le séquençage… des protéines!