Nos résultats démontrent qu’un remplissage inférieur à 75% peut affecter les résultats cliniques de certaines mesures biochimiques, tel le calcium. Le calcium varie peu physiologiquement et un
débalancement de ce dernier peut induire une multitude de symptômes. Par conséquent, le moindre biais est à risque d’induire des erreurs cliniques et engendrer des actions / examens inutiles. Il est à noter que le calcium total est aussi significativement diminué dans un tube hépariné contenant moins de 50 % du volume total (les résultats ne sont pas montrés ici). Globalement, lorsque le remplissage du tube est de moins de 50%, on constate que plus de la moitié des analyses effectuées sur l’ABL800 sont à risque d’être biaisées statistiquement et 5 des 7 paramètres dont une valeur de Westgard est documentée sont à risque d’être biaisées cliniquement. C’est-à-dire que le remplissage inadéquat du tube peut induire une erreur suffisante pour influencer l’interprétation clinique. Ces données confirment que le remplissage du tube est un facteur qui peut induire des erreurs cliniques et influencer les décisions cliniques. Cet aspect doit donc être considéré pour éviter de porter un préjudice au patient et, pour certaines analyses, il pourrait être raisonnable de refuser les tubes insuffisamment remplis.
L’une des problématiques précédemment rapportées est que le flux de travail de certaines unités limite le temps disponible pour prélever le sang des patients. Dans ce contexte, il devient impératif d’identifier les combinaisons « tube – gauge d’aiguille » qui permettent de prélever les patients dans un délai raisonnable et éviter les combinaisons dont le temps de remplissage est incompatible avec les services de l’unité médicale. À partir des résultats de la présente étude, nous avons élaboré des recommandations permettant d’identifier les combinaisons de « tube – gauge d’aiguille » permettant un remplissage de plus de 75% en 5 ou 10 secondes (Tableau 3).

Finalement, la grosseur des vaisseaux sanguins dans certaines circonstances peut être une problématique qui amène certaines unités médicales, comme la pédiatrie et l’oncologie, à utiliser des aiguilles de plus petit diamètre (25 G et 27G). Nos données démontrent qu’une gauge plus élevée (aiguille plus petite) allonge considérablement le temps de remplissage des tubes et, par conséquent, augmente le risque de recevoir des prélèvements sanguins en quantité insuffisante si le personnel qui prélève n’augmente pas le temps dédié au remplissage. En fait, bien souvent, les gens n’observent pas visuellement le niveau de remplissage mais accordent plutôt un temps arbitraire plus ou moins variable au remplissage de chaque tube. Par surcroît, utiliser un tube de plus petit format (ex. 2 mL au lieu de 6 mL) ne permet pas d’obtenir un % de remplissage adéquat plus rapidement. Nous suggérons alors de respecter le temps minimal recommandé (Tableau 4) ou idéalement d’attendre l’arrêt du remplissage (épuisement du vide). L’utilisation d’aiguille de type « thin wall » serait également une alternative intéressante. Ces aiguilles ont un diamètre extérieur équivalent aux aiguilles de format régulier mais un diamètre intérieur plus grand, ce qui facilite l’écoulement du sang dans le tube et réduit le temps de prélèvement. Le diamètre intérieur d’une aiguille 25G de type « thin wall » serait équivalent à celle d’une aiguille 24G4 ce qui pourrait permettre de prélever cette clientèle plus vulnérable dans un délai plus raisonnable.

Il faut noter que cette étude visait à mieux comprendre la relation complexe entre le taux de vide des différents formats de tubes, l’écoulement d’un liquide selon le diamètre interne des aiguilles et la distribution d’un liquide dans les différents volumes de tube pour en tirer des conclusions objectives. Évidemment, lors d’un prélèvement sanguin sur une personne, la pression sanguine et la composition du sang entrent en jeu mais n’effacera pas les principaux facteurs contributifs à la
cinétique des prélèvements qui sont le diamètre de l’aiguille et le taux de vide des tubes. En fait, l’écoulement du sang dans un tube est un cas complexe3 (comportement qui n’est pas typique d’un fluide newtonien) et il était nécessaire de débuter l’étude avec un liquide simple avant d’entreprendre ultérieurement des tests avec du sang. Dans ce cas, l’étude nécessiterait de contrôler l’hématocrite, la longueur des aiguilles, la température, la pression, etc… En l’occurrence, le sang étant un fluide non newtonien, sa viscosité va changer selon le diamètre de l’aiguille. En fait, lorsque le diamètre interne de l’aiguille va approcher 0,3 mm (25G; 0,232 mm), les globules rouges vont s’orienter axialement et voyager plus rapidement que le plasma qui lui se retrouve près des parois. Cet effet complexe sur l’écoulement dans les tubes serait très intéressant à étudier et à comparer aux résultats présentés ici.
En conclusion, le remplissage du tube est un paramètre préanalytique pouvant affecter cliniquement le résultat et ainsi porter préjudice aux patients. La standardisation des prélèvements implique donc de sensibiliser les préleveurs des unités médicales plus impactées et d’intégrer les bonnes pratiques de prélèvement dans les procédures transmises au personnel. En terminant, une meilleure compréhension de la cinétique de remplissage permet de faire des choix plus éclairés au plan des formats de tubes à privilégier et aussi des critères de volumes acceptables et réalistes à implanter au laboratoire. Un bon duo aiguille/tube est à privilégier.