La pratique de la biochimie clinique diffère au Québec par rapport aux autres provinces canadiennes. Une différence fondamentale vient de la présence beaucoup plus importante au Québec de médecins biochimistes. Les statistiques de l’Association médicale canadienne indiquent que 98 médecins biochimistes étaient inscrits à leur tableau en 2019, dont près des deux tiers (61) au Québec seulement. Cette différence provient du statut de rémunération particulier des médecins biochimistes du Québec : contrairement aux autres provinces où les biochimistes cliniques et médicaux émargent au budget de chaque hôpital, au Québec, les médecins biochimistes sont rémunérés via le budget de la Régie de l’Assurance maladie du Québec (RAMQ). Au contraire des biochimistes cliniques, la présence ou non d’un ou plusieurs médecins-biochimistes n’a donc aucun impact identifiable sur la masse salariale de l’Institution. Bien que rémunérés beaucoup plus généreusement que les biochimistes cliniques, les institutions ont profité à certaines périodes du remplacement « économique » d’un biochimiste clinique par un médecin biochimiste.
Il faut rappeler qu’historiquement les relations entre les deux groupes de professionnels étaient adéquates. Il y avait un médecin biochimiste (Maurice Bélanger) lors de la fondation de la première Association de biochimistes des hôpitaux du Québec en 1958. De nombreuses activités scientifiques ont réuni des membres des deux groupes tant au niveau du contrôle de la qualité que des activités scientifiques (SQBC). La création à la fin des années 1960 d’une association professionnelle de médecins biochimistes (AMBQ) a certainement augmenté le niveau de compétition entre deux groupes de force inégale tentant d’occuper le même territoire.
Parmi les irritants (autres que le niveau de rémunération) rapportés entre 1970 et 1990, mentionnons :
1981
Démarches du Collège des médecins pour modifier l’appellation « biochimiste clinique » pour éviter toute confusion avec les médecins biochimistes. Des termes comme chimie hospitalière ou encore chimie de la santé et chimie clinique ont alors été proposés par le Président du Collège des médecins de l’époque.
1982
Vives controverses entre les deux associations concernant l’annexe 2 -Services professionnels en biochimie clinique présenté par la SQBC sur la Politique d’accès aux services de laboratoire pour la clientèle du réseau public des Affaires sociales.
1988
Opposition des regroupements médicaux à la Loi 102 qui confirmait le statut des biochimistes cliniques dans l’organisation des départements cliniques.
1988
Démarches du Collège des médecins, de l’Association des médecins biochimistes et de l’Association des Conseils de médecins, dentistes et pharmaciens des hôpitaux pour empêcher les biochimistes cliniques d’être membres en règle des CMDP.
1990
Démarches par le Collège des médecins et l’Association des médecins biochimistes pour empêcher que les biochimistes cliniques utilisent le titre de Docteur, ajoutent les lettres C.S.P.Q à la suite de leur nom et utilisent le mot « résident » pour les étudiants au programme postdoctoral en biochimie clinique.
1980-2000
Pendant une longue période de redressement budgétaire dans les hôpitaux québécois, plusieurs postes de biochimistes cliniques ont été fermés et ces derniers remplacés par des médecins biochimistes. Cette manœuvre permettait aux administrations hospitalières de réaffecter le salaire des biochimistes cliniques au budget général de l’institution. Plus d’une dizaine de postes de biochimistes cliniques auraient été perdus pendant cette période.
Une session de formation continue de l’ABCQ en 2011 a porté sur les difficultés rencontrées par l’ABCQ depuis sa fondation 30 ans plus tôt. Un document intitulé « Le biochimiste clinique dans son hôpital et Histoire de l’ABCQ » par Jean Pinard et Hélène Leblanc a été produit à cette occasion (12). La lecture de ce document est à la fois instructive et terriblement frustrante…
Note : Une exception à la règle?
Malgré les différends qui ont opposé les Associations respectives de médecins biochimistes et biochimistes cliniques au cours des années, je me dois de mentionner mes 25 ans de collaboration étroite, égalitaire et amicale avec François Lessard, un médecin biochimiste